Nice to meet you (Ft. isibeal)

La liberté est tellement précieuse qu'il faut la savourer à chaque moment. J'ai encore du mal à croire que j'ai été faire de la prison pour éviter quelqu'un je pensais être un frère d'y aller. Ted était jeune, je l'étais aussi tout autant mais il était impossible pour moi de voir ce jeune homme fragile faire de la prison avec des mecs dix fois plus balèze que lui. J'ai toujours été gentil, trop gentil, jusqu'à aujourd'hui. Plus question de me laisser faire par qui que ça soit, il faut dire qu'en prison j'ai pris de la graine, je me suis endurcie tout simplement parce que je n'avais pas le choix si je voulais me faire respecter et non marcher sur les pieds. J'ai été libéré pour bonne conduite, personne me pensait coupable, mais comme je n'avouais jamais le contraire, j'ai tout de même fait de la prison … pour rien. Cette sortie est pour moi un renouveau, un nouveau Pharrell beaucoup plus dur, solitaire, peut-être aussi beaucoup plus sombre.

Je suis dehors depuis peu, j'habite une petite maison ou plutôt je suis héberger assez gracieusement par une demoiselle qui a décidé de m'aider sans même me connaître. Je ne cherche pas à comprendre, je prends ce que l'on me donne tout simplement. Grâce à elle également, j'ai pu trouver rapidement du boulot et dieu sait que ce n'est pas simple lorsqu'on sort de prison de trouver un travail. Je suis vigile dans un endroit le plus réputé de la ville et mine de rien c'est plutôt pas mal et bien payé en plus de ça. Forcément on ne dit pas non à ce genre de proposition, pour le moment ça fait l'affaire. Tous les soirs, je suis donc au travail et je dors le jour, ça me convient parfaitement je ne fait que rentrer et sortir de la maison où je suis héberge.

Aujourd'hui je commence le boulot à vingt heures, mais avant ça j'ai besoin de faire du sport, de profiter du soleil et surtout de me vider la tête et puis aussi de prendre le grand air, si rare lorsque j'étais derrière les barreaux. J'arrive sur la plage de la ville, où j'enlève mes chaussures pour profiter du sable à la fois chaud, puis humide, c'est tellement agréable de retrouver ses sensations si simples.

Elle conduit. Le long des routes qui la ramène à sa ville. S’éloignant de cette qu’elle a quitté il y a une année de cela. Elle n’est même pas passé voir son père parce qu’elle n’avait qu’une seule hâte. Partir loin de cette vie qui lui avait tout prit ! Isibeal retournait à Londres parce qu’elle n’avait pas le choix. C’était de l’argent en plus, mais elle ne prenait aucun plaisir à y retourner et jamais elle n’était retourné dans le quartier où ils avaient habité. Le paysage défile sous ses yeux et elle la ressent à nouveau. Cette douleur dans le fond de son ventre, d’avoir perdu ce petit être qu’elle n’a même pas eu le temps de connaître réellement. Ne pas savoir ne serait-ce que le sexe qu’il avait. Elle a demandé à ne jamais être au courant. C’est pourtant bien écris sur les papiers qu’elle a eu à l’hôpital le jour de sa naissance, qui a été le jour de son enterrement également. Mais elle à tout brûler, la blonde. Bien trop occupé à pleurer, mais aussi à se protéger. Parce qu’y mettre un sexe, ça aurait été lui donner une identité, un genre. Et ça aurait été pire encore ! Elle avait déjà mis une année à s’en sortir. Encore que, certains jours -comme celui-ci- ça lui remuer encore les tripes..

La jeune femme ne s’était pas rendu compte qu’elle était entrée dans la ville et voilà qu’elle roulait le long de la plage. Ralentissant, elle fixait le sable, et même si c’était encore l’hiver, elle était prise d’une envie d’aller s’y perdre. Pour se connecter à cette bulle qu’elle se créer de temps à autre. Pour pouvoir repartir du bon pied ensuite et appréhender la vie comme elle l’avait toujours fait. Elle regardait l’heure sur le cadrant de son vieux pick up rouge. Elle soupirait en se disant que le refuge pouvait bien attendre encore un peu. Elle ferait le nourrissage en rentrant. Elle ne comptait pas rester des heures ici de toute façon. La blonde garait le véhicule sur la première place venue, coupant le moteur. Maintenant face à la mer, elle restait là quelques instants à regarder les remous du vent sur elle, tenant fermement son volant dans ses deux paumes. Elle soupire et fini par ouvrir la portière de l’engin de métal.

Elle s’avance dans le sable, ses chaussures s’enfonçant lourdement à chaque pas. Elle retient sa veste sur son ventre tout en luttant contre le vent qui force un peu plus chaque fois qu’elle s’approche un peu plus de l’eau. Puis c’est l’accalmie. La sensation la submerge enfin et elle a l’impression de pouvoir respirer à nouveau. Elle s’arrête et ferme les yeux le temps d’un instant. L’émotion est toujours présente en elle. Mais elle lutte, ne serait-ce que pour ne pas verser cette larme qu’elle sent venir. Parce qu’elle s’imagine à cet instant avec l’enfant qui court devant elle. Peu importe qu’il ait les cheveux long ou court. Elle ne distingue que son dos qui s’éloigne vers la mer. Il a plus qu’un an, mais cette projection n’a pas besoin d’être chronologique, puisqu’elle n’est pas réelle. Elle inspire profondément et ce qui la fait tenir à cet instant. C’est qu’un jour, la vie lui donnera peut-être la réalité de cette vision. Et qu’elle ne sera pas seule à parcourir cette plage. Elle se voit pendue au bras de l’homme qui lui aura fait ce beau cadeau et qui surtout, en aura voulu avec elle.

La fraîcheur s’engouffre dans le col de sa veste et elle ouvre subitement les yeux voyant s’envoler son écharpe. Fine et légère au grès du vent. Elle sourit et se met à lui courir après, trébuchant chaque fois que le sable s’effondre sous ses pieds. Elle s’arrête le temps de retirer ses chaussures avant de se fouler définitivement les chevilles et reprend sa course derrière le tissu qu’elle ne voit plus. À bout de souffle, elle se stoppe enfin, se penchant en avant pour venir poser ses mains sur ses genoux. Dans son champ de vision, un homme non loin d’elle se trouve là. Elle se redresse un peu et marche doucement vers lui toujours essoufflé. « Bonjour ! » Dit-elle avec un sourire entre deux respirations haletantes. « Vous n’auriez pas vu passer une écharpe jaune moutarde par hasard ? » Et son sourire s’agrandit, parce qu’elle doit sembler si bête à demander s’il a vu une écharpe comme on aurait vu un chien qui s’enfuit ou un enfant qui s’est égaré…