outrage à idiot (anja)

Tu ne peux profiter que de quelques secondes -ok, peut-être minutes- de tranquillité avant que ton téléphone ne se mette à sonner. 30 kilomètres après la sortie d'hill head, faut que tu viennes. Le joint roulé et le cendrier posé sur ton ventre. Tu étais prête à te lancer un film tout en fumant ton spliff avant de t'endormir. La nuit déjà bien avancée. La lune s'efface doucement pour laisser place au soleil hivernal. Pendant que certains s'éveillent, toi tu rejoins seulement les draps froids d'un lit laissé vide depuis tant de semaines. Peu importe. L'herbe, Netflix et ta nuit de sommeil peuvent entendre. Bernie, lui, est bien plus important que ça. Son message, c'est un sos. Tu en es intimement convaincue. Parce que le mexicain ne s'amuserait pas à ça. Parce qu'il sait qu'à cette heure-ci tu viens de taper ta nuit de travail. Alors, Bernie, il ne peut pas attendre. Peu importe tes envies. Peu importe avec qui ou où tu te trouves. Pour lui, tu accoures.

Alors, il ne te faut que quelques secondes pour enfiler des vêtements chauds. La moto démarre, un second casque qui repose sur ton avant-bras. L'accélération est rapide, et tu es clairement au-dessus de la limitation de vitesse indiquée par le code de la route. Et puis, il y a les gyrophares qui t'aveuglent. Ça pue. Tu ralenties, viens te mettre sur le bas côté. Et ton instinct avait visé juste. Bordel, dans quelle merde il s'est encore fourré. Mais qu'est-ce que vous foutez ? Tu vois Bernie, la gueule contre le capot. Bernie, les menottes aux poignets. Bernie et son expression paniquée. Tu ne peux pas y croire. Ton casque que tu retires, tes deux pieds viennent toucher le sol et tu t'approches des idiots d'un pas assuré. Heureusement que le joint n'a pas été allumé. Tu t'approches de Bernie. Ça va ? Tu signes, consciente de ta question débile. Consciente qu'il ne pourra pas plus répondre alors que ses poignets sont contraints de ne pas bouger. Outrage à agent. Cet idiot de mexicain pense qu'il peut se permettre de ne pas répondre à nos questions. C'est toi l'idiot, connard. La bouche entrouverte, les mots sont prêts à sortir d'entre tes lippes mais tu les retiens de justesse. Vous êtes sérieux ? Tu n'aimes pas les flics, Anja. Tu les détestes assez pour leur mettre un coup d'pied au cul. Et s'ils continuent, ce sera toi qui finira au trou pour outrage à agent. Tu pousses un long soupire, tentes de garder ton calme pour ne pas dépasser les limites. Il est muet ! Tu leur hurles presque dessus. Comme si c'était une évidence. Comme si ça se voyait comme un nez au milieu d'une figure. Mais bien sûr. Il rit, un peu trop fort à ton goût. Il rit à en soulever sa vieille panse à bière. Les poings serrés, tes ongles qui s'acharnent contre ta chaire pour ne pas perdre le contrôle. Mais regardez-le bordel ! Il est effrayé. Et c'est vrai. Parce que Bernie, il est réglo. Bien plus que toi. C'est toi qui devrait avoir peur d'eux. Toi qui devrait les craindre. Bernie, lui, il n'a rien à se reprocher. La xénophobie et la discrimination, ça vous parle ? Ce serait dommage que j'aille déranger vos collègues pour porter plainte, n'est-ce pas ? Tu viens croiser les bras contre ta poitrine, les toises du regard sans les lâcher des yeux.