( intrigue une ), scène quatre

enfermée dans son bureau, elle est loin romy. loin de comprendre ce qu’il se prépare dehors. la fin des courses, le circuit qui se vide progressivement de toute âme, le vent qui se lève. spectacle qui se joue sans elle. les yeux rivés sur son ordinateur, elle s’attèle. avec minutie et précision. les minutes qui passent, les bourrasques qui se font de plus en plus présentes. quelques messages d’inquiétudes sur son portable qui restent non lus. romy, elle se dit qu’elle partira une fois qu’elle aura fini son dossier. callaway. un nom qui revient sans cesse. les chiffres qui changent. l’incompréhension. aucune trace de cet argent. aucun remboursement n’a été fait. il persiste pourtant. la semaine dernière, romy l’a suivi dans un club miteux du centre ville londonien dans l’unique but de le menacer. dette passée, le fric doit être rendu. pas d’exception. elle le sait romy. elle joue sa tête pour le coup. elle doit s’assurer que les kelev retrouvent leur argent. coûte que coûte. donc romy, elle y met du sien. elle se brûlera peut-être les ailes en chemin. parce-qu’elle n’a pas encore trouvé mieux que sa féminité pour arriver à les faire parler. tous ces mecs qui trainent sur le circuit. assez fous pour y dépenser du fric et assez cons pour ne jamais payer leurs dettes. et au milieu, il y a romy qui roule des hanches pour leur faire cracher leurs péchés. mais lui, il lui échappe. pour l’instant. les doigts qui tapent les montants sur l’ordinateur. presque machinalement. bien loin de son esprit artistique habituel. la porte qui s’ouvre. la tête du boss qui apparait. il semble surpris de la voir encore dans le bâtiment. il lui laisse pas le choix. rentrer. avec lui. romy, elle avait prévu de rentrer en train. comme d’habitude. mais elle bronche pas. elle n’ose pas. elle attrape son sac, ferme son ordinateur et elle le suit. les sourcils froncés, ses yeux noisettes qui se rendent compte du chaos qui se met en place dehors. la tempête, bordel. le trajet parait long. le silence s’installe. romy est mal à l’aise. pas assez confortable pour parler de la pluie et du beau temps. et trop hésitante pour tenter un quelconque sujet comme la famille ou les centres d’intérêt. alors elle compte juste les minutes jusqu’à hill head. son regard qui vacille entre les grêlons et les mains de saul sur le volant. l’anxiété de ne pas savoir ce qu’il va se passer, qu’au moindre mauvais mouvement ils peuvent partir en tonneau. l’angoisse de ne rien pouvoir faire. sa faible poigne qui serre le siège. comme si ça allait changer quelque chose… elle invoque cet esprit supérieur. celui qui lui permettra d’arriver vivante et entière. puis un bruit. un fracas. un arbre qui s’étale sur le capot. un cri qui s’échappe des lèvres de la blonde. surprise. panique. la voiture qui divague. perte de contrôle. elle aperçoit rapidement le corps de saul se dégager de l’habitacle en acier. puis plus rien. le sang qui coule sur sa tempe. une douleur poignante au crâne.
silence.
rien d’apaisant.
plutôt terrifiant.

Citation :

« faut que tu rentres ledger. j'ai vu des arbres tomber sur la route. faudrait pas qu'il y en ait un qui saccage ta gueule de big boss. magne-toi. »

warden.

face à la baie vitrée, l'israélien range son téléphone, n'prend pas la peine de remuer l'inquiétude de l'anglophone. dehors, y'a les éléments qui se déchainent. y'a la tempête qui s'amène. ledger il est tiraillé entre s'enfuir ou rester -entre abandonner ou persévérer. lui qui aurait voulu protéger tout c'qui comptait -son circuit pour état de fait-, il s'rend vite compte de ses priorités raisonnées, sara et camilla en premier. la question, en fin d'compte, qu'il ne s'est même pas posée. il s'éloigne de la vision dévastée, ouvre cette porte et découvre le visage occupé de la charmante créature qui lui sert de trésorier. qu'est-ce que tu fous encore là ? un brin d'agressivité pour ne pas paraître inquiet, ledger s'avance et s'empare de sa veste, pose ses yeux sur le travail qui lui reste. prends tes affaires romy, je te ramène, tu peux pas rester là. elle a pas l'temps de négocier, pas l'occasion de se justifier. la blonde fait claquer l'écran sur le clavier, prend la suite de celui qui a ordonné.

c'est un silence suspect qui flotte dans l'habitacle. un silence violé par la glace qui leur tombe sur le coin du nez, par le vent qui menace de tout faire céder, par la nature qui s'amuse à les bousculer. il a les paumes vissées sur le cuir du volant et c'est avec une concentration prenante qu'il suit les lignes blanches au milieu du macadam glissant. il avait été moins concentré lorsque la main de sa femme l'étouffait, lorsqu'elle hurlait à la vie qui la mutilait. ouais, il avait été moins concentré même le jour où sa fille est née. sara. cette silhouette qu'il reconnaît et cet arbre qu'il n'a pas pu éviter. la douleur est instantanée, puissante. et y'a le cri de romy qui raisonne dans ses tympans. il voudrait s'assurer qu'elle va bien, qu'elle n'a rien, mais y'a son instinct qui le pousse à rejoindre la vitrine éventrée dans laquelle se love sa protégée. sara j'suis là ! le père se met à tousser, ses flancs qu'on vient de lui arracher. les mains sur ses côtes brisées -comme si ça pouvait le soulager-, il s'approche de la gamine en difficulté. boum. un volte face incontrôlé et leurs mirettes qui s'posent sur la voiture incendiée. malgré la douleur, ledger se précipite vers le monstre d'acier, attrape la blonde par le chemisier et sans douceur -pardonné par l'urgence du spectacle- l'éloigne du brasier. y'a sara qui a traversé la rue, l'aide à se réfugier dans un renfoncement de porte bienvenu. t'as rien ? un regard vers sa fille indemne puis de ses mains il installe romy à l'abri du pire qui s'amène. ses dents qui se mettent à grincer à la vue du poignet déformé -probablement brisé. boum. une seconde fois. un sursaut, la tête qui rentre dans les épaules et derrière eux le moteur qui explose.

glaçant,
le son dissonant,
du serein qui s'enfuit brusquement.