( intrigue une ), scène neuf

Parfois, ça prenait à Livia, de se tirer comme ça du domicile familial après une dispute avec son père. Le passé qui refait surface, parfois. Les insultes qui fusent toujours sur les réseaux sociaux, les messages intempestifs. Elle ne cesse de se demander si c'est bien de la faute de son père, toute cette histoire. Elle peste tellement qu'elle s'en va alors que le temps se dégrade, dehors. Elle embarque son parapluie, alors que c'est sans espoir, avec le temps anglais et le vent qui balaye tout sur son passage. Elle avance, Livia, bravant la tempête qui s'annonce. Elle s'en fout, elle marche sans but. Quand la pluie s'abat un peu plus vivement sur elle, elle pousse des jurons dans sa langue maternelle, se demandant alors ce qui lui a pris de s'en aller comme ça malgré le temps menaçant. Tellement que c'est la grêle qui tombe maintenant, que les bourrasques sont si impressionnantes que les arbres pourraient plier sous leur souffle. Elle, c'est limite si leur force ne la fait pas reculer. Une voiture s'approche finalement, ralentissant en arrivant à sa hauteur. À son bord, un homme et une femme. Un couple, certainement. Ça lui inspire confiance, même si elle ne les connaît ni d'Eve ni d'Adam. De toute façon, elle ne peut clairement pas rester dehors alors que le ciel lui tombe littéralement sur la tête. L'homme l'invite à entrer, lui ouvrant la portière arrière. Ni une ni deux, elle monte et s'installe, bouclant sa ceinture même si elle n'a pas l'habitude de le faire. Sûrement que c'est ce temps d'apocalypse « C'est gentil, merci beaucoup ! » dit-elle alors presque à bout de souffle, dégoulinant de la tête aux pieds. Elle n'a sûrement jamais été dans cet état-là, la brune. Trop habituée au confort de sa petite vie... Mais ça a changé, depuis quelques mois, même si elle a du mal à se passer de ce confort-là. Ils ne peuvent décemment plus se montrer aussi exubérants qu'à São Paulo. Il décide de s'éloigner du bord de mer, et elle ne peut qu'être en accord avec lui. Parce que la mer va sûrement se déchaîner dans les minutes à venir, les vents soulevant l'eau d'une force inouïe. « Livia. » dit-elle finalement pour se présenter à son tour. C'est la moindre des choses, si elle doit partager un bout de route avec eux. Elle n'était pas rassurée dehors, mais ne l'est pas plus en sentant les pneus de la voiture qui n'adhèrent plus comme ils le devraient à la chaussée. « On devrait peut-être s'arrêter quelque part à l'abri. » lance-t-elle. À une station service, quelque chose comme ça. Pourtant, elle a ce mauvais pressentiment, une intuition qui lui dit que tout peut basculer aujourd'hui, qu'elle est bien incapable de faire taire.

@jacob bermejo @elisabeth bermejo