∴ il faut mille fois mieux être crains que aimé. (monroe)

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Il fait nuit, il est tard. Et même pour lui ça devient difficile de garder les yeux ouverts. Au volant de sa voiture, la journée n'a pas été des plus fructueuses, en terme d'argent du moins. Quelques clients par-ci et par-là, de quoi se payer le plein, essayer d'éponger ses dettes auprès de Léo et Héra, parce que c'est bien beau d'avoir deux logements, encore faut-il pouvoir les assurer. Ce n'est pas son studio qui va lui bouffer le plus de fric, c'est surtout les céréales que sa colocataire aime tant manger. Sérieusement ? Des céréales !
Et s'il s'apprête à se rendre, comme à son habitude chez son meilleur ami afin de passer une nuit de plus sur le canapé, le joint s'éteignant entre ses lèvres, cette silhouette au loin lui rappelle vaguement quelqu'un.

Il fronce ses sourcils, il l'a déjà vu, c'est certain. Non ce n'est pas une conquête qu'il a eut, de toutes façon il arrive même pas à se souvenir de leurs visages pour certaines tellement il était plein d'alcool. Les sacs qu'elle porte semblent lourd, mais pas assez pour que son corps tout frêle se plaque au sol. Et ce n'est qu'une fois à sa hauteur qu'il finit par voir enfin son visage.
Monet, Madison, Mélanie, Médusa, c'est quelque chose comme ça, mais oui, elle traîne souvent avec son frère aîné, et entendons nous bien par traîner, ils couchent régulièrement ensemble. La p'tite donzelle qui, rien qu'à voir la manière dont elle regarde Maks, semble bien être prête à se plier en quatre pour assouvir les envies de son frère. Les Ovcanič et les femmes, toute une histoire, de Maks à Isak en passant par Lara, pour cette dernière, c'est une histoire à laquelle il ne préfère pas penser.

« Hey toi. » Plus vraiment certain de son prénom, il préfère l'appeler de cette manière, au moins, elle se retourne. « Je te ramène ? » Qu'il propose. Après tout, si elle est aussi souvent avec son aîné c'est qu'elle a quelque chose à lui apporter. C'est en somme une régulière, chose que lui n'a pas encore trouvé, il préfère une femme différente chaque soir, ou toutes les semaines. Enfin, elle mérite bien un petit coup de main pour rentrer chez elle.
Coup de frein à main, garé juste à côté du trottoir, défaut professionnel, il s'extirpe de sa voiture et va enfin physiquement à sa rencontre. Murielle, Mathilde, Marilyn. « MONROE ! » Qu'il s'exprime, la lumière ayant fait surface dans sa boîte crânienne. Monroe, son prénom lui est enfin revenu. « Allez grimpes. » De son accent serbe qui rend chacun de ses mots grossiers. Il l'embarque avec lui, en pleine nuit.

« T'es souvent avec mon frère. » Il fait la conversation, le temps d'une course, ce qui lui arrive rarement. Juste Camilla a le droit d'entendre le son de sa voix. Mais ce soir, ce n'est pas elle qui est dans le petit habitacle c'est Monroe.

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Y a toutes ces courses que tu traînes. Les sacs que tu tiens de tes doigts frêles. T'as bien reçu les messages des Filipps. Rentre avec d'la bouffe, y a plus rien dans le frigo. Même pas foutu d'aller eux même se chercher à manger. Y a fallu que tu ailles dans une épicerie de nuit pour chercher le repas du soir. Un peu trop affamée, toi aussi, tu t'es lâchée sur les dépenses. Ce mioche pas encore né te bouffe déjà tout ton fric. Il est là, et dicte déjà tes envies. Il fait nuit noire. Et t'as clairement traîné pour rentrer. Pas l'envie. La tête ailleurs. Sur ces tests de grossesse qui se sont révélés positifs. Sur la réaction de Maks. Et sur le deuxième rendez-vous que tu as pris. Tu y arriveras, ouais. A franchir la porte du cabinet de ce gynécologue pour retirer le parasite qui pousse dans ton bide.

Tu ne fais pas attention aux voitures qui passent à côté de toi. Et encore moins à celle qui ralentit à ta hauteur. Une voix. Un accent. C'est à s'y méprendre. Deux copies conformes. C'est ce que tu t'es toujours dis. Tu fronces les sourcils, pas certaine de ce qu'il te dit. Il s'fout de ta gueule, t'en es certaine. Pas la peine, je n'suis plus qu'à quelques rues. Le corps plié pour répliqué. Les bras engourdis par le poids des sacs en plastique. Tant pis pour les dauphins et les baleines. Toi, tu n'fais pas dans l'écologie. C'est pas que tu n'en as pas envie. Mais plutôt que tu te méfies. Tu ne le connais pas, ce type. C'est juste un Ovcanič. Et t'en as bien assez d'un dont tu t'es éprise.

Sauf que le serbe en a visiblement décidé autrement. Le frein à main qui se tend et sa silhouette qui creuse rapidement la distance. Ton prénom qui franchit ses lippes et t'as presque envie de l'applaudir. Bien joué Sherlock. Au moins, il y en a un qui s'en souvient. Il t'incite une nouvelle fois. Ton regard passe des sacs à la voiture. Puis de la voiture aux courses. Et finalement, tu te laisses convaincre.

Les sacs que tu viens poser à tes pieds et ton fessier installé sur le siège passager. Tu ne t'attends pas à ce qu'il te fasse la conversation, Isak. Ouais. Parce que toi, tu te souviens de son prénom. Il n'est pas rare que Maks parle des jumeaux. Et de toi ? Tu regardes le paysage défilé jusqu'à ce que le serbe vienne briser le silence. Plus rapidement que tu ne l'aurais cru, d'ailleurs. Ouais, on s'voit régulièrement. Pas sûr qu'il y ait autre chose à ajouter. Et finalement, tu sais que tes visites vont s'espacer. Maks va se lasser, maintenant que tu portes son identité. Même si ce n'est qu'une question de temps avant que tu ne t'en débarrasses. Tu lui indiques avec ton doigt de tourner sur la gauche. L'habitacle de la voiture que tu te mets à détailler. Et le compteur qui vient frapper tes iris. J'ai pas d'quoi payer, j'te préviens. De toute façon, toi, tu n'as rien demandé. T'aurais pu ramener tes courses toute seule. C'est lui, qui t'a à moitié enlevée.

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Dans sa berline noire, bien souvent il passe incognito. Seul sa carte de transport posée sur le pare-soleil côté passager indique qu'il est chauffeur, qu'il possède sa petite entreprise. Chauffeur indépendant, il traîne dans les rues, tôt le matin, jusqu'à tard dans la nuit. Il ne dort pas beaucoup de toutes façons, il n'a pas besoin de dormir énormément, juste sa dose de café et ça le réveille pour la journée.
Il connaît du monde en ville, ici, à Londres, et ailleurs même. Quelques numéros dans son téléphone, de bonnes personnes qui ne demandent qu'une course, des fréquentations un peu plus sombres, dont il ne demande jamais les intentions. Il n'a pas besoin d'en savoir plus, il ne veut pas en savoir plus.
Prendre Monroe c'était évident pour lui. Et même si elle ne lui répond que par bride, il sait très bien qu'entre elle et son frère, c'est pas juste se voir régulièrement. C'est pas juste des sourires, encore moins une partie de carte. Alors il sourit, simplement, en prenant soin de jeter un coup d'oeil à l'arrière de son véhicule là où sont posées les sacs de courses. « Qui t'a dit que je te demandais d'payer ? » Il hausse les épaules, le compteur qui défile juste à côté de lui, le prix qui monte au fur et à mesure des mètres parcourus, c'est de la poudre aux yeux. C'est juste pour faire payer les honnêtes citoyens de Hill Head. Les autres ils lui glissent sympathiquement des billets entre les mains, trois ou quatre fois supérieurs au montant de la course. Pour elle, ça sera gratuit. Elle traîne avec Maks. Il fait pas payer.

« Tu comptes donner à bouffer à tout l'quatier avec ça ? » Qu'il pose comme question tandis qu'elle lui indique la route. Prochaine à gauche, dans les bas fonds de la ville, là où il se balade depuis qu'il a mit les pieds en Angleterre. Là où il a grandit depuis l'âge de six ans. Il connaît bien le quartier. En fait, il connaît rien de la vie de Monroe, ils se sont croisés quelques fois en soirée, il a bien vu les mains baladeuses de son aîné sur son corps. Le regard de braise qu'il avait quand il posait ses yeux sur elle. Il ne peut pas lui en vouloir, elle est plutôt fraîche, elle est plutôt bien foutue la fille.
Et le moteur qui se coupe doucement quand ils arrivent en bas de chez elle. Le chemin n'aurait pas été long. « T'es arrivée ma jolie. » Coutume familière pour un mec au langage plus que familier. Il ne connaît pas les bonnes manières, il n'en a pas, juste avec Camilla. Qu'est ce qu'il aimerait la voir Camilla, voilà même pas quelques jours qu'ils ne se sont pas vus et il a déjà cette impression de manque, comme un camé qui n'a pas eu sa dose, il pourrait trembler tellement sa drogue est importante.

Mais si elle s'apprêtait à rentrer chez elle, c'est plus fort que lui, il se mord la lèvre inférieur quand elle descend, ne manquant pas de reluquer son fessier légèrement galbé. « Hey Monroe. » À haute voix, à travers la vitre ouverte, il pose avant bras sur la portière. « Ça t'dis de v'nir boire un verre ? » Si elle veut tant mieux, si elle veut pas tant pis, il ira quand même dans son pub préféré terminer sa soirée à boire des verres à l’œil. Et cette petite voix dans son crâne qui lui dit que c'est pas une bonne idée ce qu'il fait, il devrait l'écouter de temps à autre, genre comme maintenant. Mais non. « Sauf si t'as autre chose à faire. »
Puis il se tait, attendant la réponse qu'elle lui donnera. Et cette voix, pourquoi il veut boire un verre avec elle ? Parce qu'elle est avec Maks ? Parce qu'il l'a vue plusieurs fois avec lui ? Il veut la connaître ? Elle a pas l'air en forme, parce qu'il joue au bon samaritain maintenant. Ça va le tuer ça à force.