Tell your secrets to the night ~ Palasina

Éclats.
Fracas.
Dégâts.

Un pot de fleur renversé, une orchidée écrasée.
Le froid et l'humidité mord ses vêtements, son dos.
À terre.
Ses bras tentent de repousser cette ombre tandis que sa gorge est comprimée. L'air lui manque, les sanglots se perdent. Sa vue se noircie, s'obstrue. Des froissements de tissus déchirés, un tintement métallique, une fermeture éclaire résonnent dans ses tympans. Sa voix s'étouffe vainement dans des hurlements sourds, inaudibles.
Tétanisée, elle abandonne, nauséeuse.
Dépossédée et profanée.

Déconnectée.

*~*~*

Akureyri,
L'hiver, le froid, les premiers cris.
Petit être prématuré, mais déjà animé.
Deux parents présents. Petite enfance banale, normale.

Huit printemps, changement.
Sjáumst,  Ísland ; Hei Suomi. Trois langues, elle jongle, elle oublie. Son islandais reste, mais l'accent se perd.
Ses amis aussi.

Les saisons défilent. Les années passent.

Le lycée. Une période déjà plus difficile. Surtout lorsque, encore, le changement frappe. Moikka Suomi ; Hello England.
Les ados : ces créatures monstrueuses en crise, en quête de sucre, sexe, drogue et dramas.
Elle y échappe. Presque. Du moins, elle y échappe du mieux qu'elle peut.

Après le lycée ? Adieu le cocon familial. L'université.  Un chemin tout tracé. La finalité ? Un diplôme en langues. Spécialité ? Langues nordiques. Utilité ? Assistante multilingue, traduction, entre autre. Elle aurait aimé continué pour finir son master mais...  

*~*~*

La houle.
Elle s'écrase encore et toujours. Répétitive et cadencée.
Ses yeux bleus sont perdus sur l'horizon grisâtre. Accalmie passagère.
Un soupir vient fendre ses lèvres, un frisson déchire son échine.

La houle.
Elle oscille, faisant danser les vagues, des bribes. Elle rappelle, remontant à la surface, de sombres souvenirs. Elle hurle, s'écrasant violemment sur le ponton.

Elle hurle, elle hurle, elle hurle...
Sa voix s'étouffe encore.
La mer.

*~*

Des crises.
Des moments d'apathie.
Discussions forcées.

Chaotique.

L'appel de la mer. Amère.
Elle résiste. Elle refuse. Parfois elle aimerait bien s'y noyer, définitivement. Parfois seulement. C'est comme un écho qui l'appelle, une petite voix qui tangue et vacille dans sa tête.
Les pieds dans l'eau, elle oscille.
Rejoindre le rivage, ne pas se laisser porter le courant.
Obsession tentante.
Un pied devant l'autre.
La terre est loin.
Trop loin.

*~*

Bouteille à la mer : opération cathartique.

Des échanges, un lien.
Des lettres tracent un sillage incertain dans les flots ; le rivage.
Un prisonnier, bouc-émissaire, ils échangent. Du moins, elle est à l'écoute, elle supporte, apprend. Apprend qu'il a bon fond, qu'il a besoin d'aide, elle est là. Là pour aider, là pour s'oublier.
Elle met sous silence ses maux qu'elle enterre sous un sol friable...

Le rivage.
Il est libéré pour bonne conduite, elle est là, encore. Pied sur la rive, elle le pousse sur la terre ferme.
Elle est venue le chercher et accepte de l'héberger. Ses parents n'ont bien sur pas vu ça du bon œil, mais ils ne sont pas là. Eux non plus, ne savent pas, mais n'apprécient pas qu'un parfait inconnu dorme sous le même toit que leur progéniture. Ils ont peur qu'il l'utilise. Mais elle, elle est convaincue qu'il ne lui fera pas de mal.
Elle espère, du moins.

*~*

Entre eux, il y a quelque chose. Il y a des non-dits. Des portes qui se ferment sur des semblants de discussions, de questions. Qui refuse ? Les deux. Ils se cherchent et s'évitent. Il enchaîne les conquêtes, facile, avec son boulot. Il voit des courbes tous les soirs, les consume. Elle, c'est les cachets, les insomnies, les bouteilles. Parfois, elle flirte mais se ravise d'aller plus loin. Parfois.
Mais, y'a eu ce soir là, où les non-dits ont laissé place à quelque chose. Poussés par l'abus d'alcool, ils échangèrent. Pas que des mots. Pour elle, c'était la première fois depuis ça. Il le sait pas. Mais elle s'était laissée aller, poussée par... l'affection, et l'éthanol.
Mais ce tendre moment pris fin lorsque les restes de brume alcolisée s'était évaporée. D'un accord tacite, ils n'en parlent pas. Juste le coup d'un soir. Juste un besoin primaire et primitif.
Rien de plus.

Alors ils recommencent à s'éviter. À éviter d'en parler. Ils retournent à leur quotidien, leurs habitudes. Elle met un masque, la petite. Elle ajoute ça sous son tapis de maux qu'elle tente de balayer du mieux qu'elle peut.
Elle essaie de tourner la page, surtout.
Alors elle prétend que tout va bien.