si tu pouvais rester (loam)

si tu pouvais rester
huit mois qu'il bouffait des produits ménagés.
huit mois qu'il frottait jusqu'à y voir son reflet.
sans un sourire, sans un grain d'envie,
jusqu'à cette boîte de nuit.
ou ce club pour les queutards, bernie sait pas trop comment l'appeler. il trouve ça bizarre. un peu chelou. mais assez virtuose. des grands pieds dans des grandes pompes. excentrique, électrique, mais le soir l'atmosphère est platonique. quand il rentre pour ranger les loges, c'est des produits de beauté à s'en couper la tête. que des tubes, des fioles, des odeurs qui s'y mélangent, l'impression de rentrer dans un dortoir féminin lui fait le même effet à chaque fois.

et y a bernie au milieu de tout ce foutoir.
avec son cadie qu'il pousse, presque au bout de sa vie.
sortir la serpillière,
nettoyer par terre,
retirer les traces de rouge à lèvre
(il hésite à laisser une affichette
"INTERDICTION DE SALIR LES VERRES"
mais à quoi bon, ils n'arrêteront jamais
quitte à lui faire faire une crise cardiaque)

et ça frotte
frotte
f r o t t e
jusqu'à changer d'chiffon.

ce soir bernie avait oublié son casque.
malheur, malheur ou bonheur,
d'après les cris fantasques
les couinements n'étaient pas amateurs.
ça s'échauffait les cuisses, et la grimace de bernie montrait l'envie d'être sourd. et pas muet. il feigne de ne rien entendre (COMMENT NE PAS ENTENDRE???) en passant devant la porte, se demandant quand bien même comment peut-on crier d'une voix aussi forte? et cette porte là, elle s'ouvre après que les voix ce soient tuent.
faire genre.
continuer d'astiquer la même dalle depuis trois heures.

o
u
l
a
l
a

dans le reflet de la vitre, y a la gueule de loam qui lui fait un sourire.
bernie ne fait que surenchérir, bien que l'envie de courir, lui démange les artères. il espère pouvoir finir de nettoyer son par-terre dans un silence de mort. mais comment faire? avec la grande gueule de loam derrière lui? ça lui tiendra compagnie.

et ça,
ça,
ça, il aime bien.

bien qu'il soit nu comme un chien.

si y'a bien un truc auquel tu te serais pas attendu, c'est de tirer ce genre de cris à ce gars. le genre baraqué et deux fois plus larges d'épaules que toi, mais qu'à pas franchement eu envie d'prendre les devants quand t'as terminé par lui rouler une pelle en l'attirant avec toi à l'arrière du club. faut croire que c'est lui qui avait envie d'se faire baiser ce soir, et t'as pris un malin plaisir à le faire. faut dire que t'es pas mal dans ton genre non plus, quand il s'agit d'faire entendre ta voix aux gens aux alentours, mais t'as trouvé ton maître en la matière.

ultime soupir d'aise qui vient franchir tes lèvres, tes hanches qui s'arrêtent un court instant, avant que tu t'redresses, tenant sur tes jambes, pas trop retourné non plus. y'a mieux, quoi. toi t'préfères clairement t'faire baiser que baiser les autres, mais c'est une question de goût. tes doigts glissent dans tes cheveux détachés, ta respiration s'fait plus lourde et tu balances la capote à la poubelle. ouai, t'as apprit à les utiliser depuis l'temps. il est chelou, ce mec. t'as l'impression que tu lui fais peur alors que tu mesures dix centimètres d'moins que lui. un sourire satisfait se dessine sur le coin de tes lèvres. c'moi qui devrait te payer, mec. tu siffles en l'voyant tendre quelques billets. tu hausses les épaules, ouai, rien de bien extraordinaire ce soir. t'es presque déçu.

il termine par se barrer, et tu retiens un soupir, glissant une main contre ton visage. t'es encore à poil, porte largement ouverte, et t'en as pas grand chose à foutre. tu arques un sourcil en distinguant bernie, un peu plus loin. et ouai, ça se saurait si t'avais un minimum de pudeur. salut. tu lâches nonchalamment au brun, haussant un peu les épaules, attrapant une clope que tu viens glisser entre tes lèvres, soupirant d'aise en inspirant la fumée. t'sais si t'as envie d'participer, suffis d'le dire, pas besoin d'rester derrière la porte. que t'ajoutes, avec ta provocation habituelle. tu termines quand même par attraper ton boxer, pour l'enfiler. un sourire à la con au coin de tes lèvres, tu viens t'appuyer contre la chambranle de la porte.

si tu pouvais rester
même si la société le dit handicapé,
et que par bonté, on lui offre tous les boulots souhaités
bernie tient à ce que tout soit bien fait.

il s'occupe des rues de la ville, dans son uniforme jaune cramoisie. il s'occupe de l'enceinte du lycée, dans sa tenue orange cambriolée. il s'occupe de cette boîte de nuit, dans son uniforme gris tout gris. et ça lui plait.
il aime nettoyer chaque tâche présente,
et si cette dernière ce fait trop stressante- recours au pish pish mortel.
autrement dit, de la javel.

c'est dans son calme serein
et cette bulle d'acier,
qu'il fait de ces scènes de crime son terrain
pas besoin d'appeler quelconque policier.

alors que bernie, les yeux endormis, passe la serpillière comme un stagiaire, il s'autorise une pause de quelques minutes à peine. c'est loam qui interrompt.

salut. c'est tout beau,
tout joli, un mot aussi court a l'effet placebo.
il lui répond d'un joli signe de main, l'agitant dans l'air
s'enquillant d'une énergie soudaine, un peu mieux qu'hier.
//hier il avait la tête dans l'sac, les yeux dans le vide et la gueule toute pourrite.//

t'sais si t'as envie d'participer, suffis d'le dire, pas besoin d'rester derrière la porte.
le rouge qui lui monte aux yeux.
pour prendre assaut sur ses cheveux.
finir par enlacer son corps entier.
ah non, ah non, ah non.
il n'a pas de problème à être ouvert sur le monde,
mais l'idée d'y participer est immonde.

alors il secoue la tête /on aurait dit qu'il tentait de se la décrocher/
avant de sortir son joli carnet.
je ne voulais pas déranger.
faisais juste le ménage
il tend ses jolis mots à lui en sa direction (faudrait pas avancer,
faudrait pas empiéter sur sa vie privée,
son espace vital)
il sait que loam va lui tirer une nouvelle raillerie.
un nouveau penchant à le faire rougir-
le plus possible; dans l'attente que sa tête surchauffe
ou explose?

secret de sa métamorphose, bernie continue de sourire
si doux. trop doux. si frêle. trop frêle.
une compagnie délicate, quoique trop muette.

tu l'aimes bien, bernie, ouai. t'aimes bien le voir mal à l'aise, face à toi et ta grande gueule. (beaucoup trop grande d'ailleurs, ça te ferait du bien d'apprendre à la fermer). tu restes nu de longues secondes, peut-être même plusieurs minutes, sous prétexte que toi, ça ne te dérange pas de l'être. tu pourrais danser à poil, si ton patron t'avait pas déjà engueulé sur le fait que le strip, c'est pas censé se terminer en porno. mais c'est pas de ta faute si t'aimes ton corps et que t'as envie d'le montrer au monde. (surtout pas de ta faute, si les clients aiment ça). un soupir s'échappe de tes lèvres, tu termines tout de même par enfiler un boxer. simple. noir. juste de quoi dissimuler un peu de ta nudité, sans doute soulager les yeux du brun. y'a tout de même un sourire satisfait sur le coin de tes lèvres. tu t'approches un peu, viens t'appuyer contre la chambranle de la porte, observant bernie avec attention, une cigarette se consumant entre tes doigts. t'aimes bien le taquiner un peu.

je ne voulais pas déranger. faisais juste le ménage. tu tires distraitement sur ta clope, coincée entre tes lèvres durant quelques secondes, ton regard glissant sur le brun une nouvelle fois. tu frissonnes un peu, c'est qu'il fait pas ultra chaud dans le couloir, mais tu t'en fiches. un soupir t'échappe finalement et avec lui, toute la fumée grise emprisonnée entre tes lippes. tu te mords l'intérieur de la joue. mm. haussement d'épaule de ta part, tu te redresses un peu, t'étirant longuement. t'as le dos en vrac d'avoir baisé ce gars. t'sais, c'est pas moi que tu vas déranger. tu lâches finalement, un sourire au coin des lèvres. on aurait pu s'occuper ensemble. tu ajoutes avec une petite moue, t'approchant un peu - mais lui laissant tout de même son espace vital. c'est plus efficace à deux quand faut frotter. t'as pas pu t'en empêcher. sous-entendu à peine dissimuler derrière tes mots.

un rire t'échappe, un rire d'enfant un peu trop fier de lui, et tu sautilles un peu sur place. t'es un gosse, putain. (grandis un peu, tu fêtes tes vingt-neuf piges à la fin de l'année). hé, avoue j'devrais en faire un recueil de mes vannes de merde. t'as au moins l'mérite de le savoir, que tu dis d'la merde. tu viens tirer longuement sur ta clope. t'en veux une, au fait ? j't'ai pas proposé. tu souffles en désignant l'tube de goudron se consumant rapidement entre tes doigts. tu sais pas s'il fume, bernie. tu penses pas, mais bon, ça t'coûtes rien de proposer, quoi. t'es un mec sympa, au fond. (tu cherches juste à attirer l'attention). tu sais pas vraiment ce qu'il pense de toi, bernie. pas trop de mal, t'espère. t'aimes bien le faire un peu chier, mais t'aimes faire chier tout le monde, alors bon. faudrait pas qu'il le prenne personnellement.

son monsieur à la cigarette,
loam, qui prend ses mots d'assaut (mais pas d'façon discrète,
il est plus du genre à rentrer dedans.
et ça s'voit dans ses yeux, qu'il aime tant
être sur scène, presque comme une drogue -dépendant)

ça doit faire cinq ans qu'il n'a pas retouché à une cigarette. y a des fois, ça lui titille les nerfs, il ose se dire qu'il en fumerait bien une discrète. mais ça commence par une, et ça finit en trente paquets planqués, fumés dès le lever. mais là, comme ça, juste comme ça, ici, here, ci-bas, en vue du tableau offert, c'est pas les cigarettes qui l'inquiète.

c'est le fait que
là
d'ici
il voit tout
tout de tout
ah oui, tout.
de loam.
de l'infime partie, qui,
il est sûr, aurait ravi les artistes -sculptures, dessins, peintures...
bernie était sûr qu'il viendrait à ravir les âmes vagabondes, de ses courbes furibondes.

il ose se rhabiller après tant de nudité.
mais pas assez pour ne pas attraper un rhume,
une otite ou la grippe aviaire -c'est qu'il caille dans ce couloir.
mm.
un bref silence. il serait près à lui offrir une tasse de thé,
monsieur voudra t-il un peu d'agrume?
bernie hésite à lui offrir une bouilloire.
(c'est qui caille vraiment dans ce couloir)
t'sais, c'est pas moi que tu vas déranger.
y a ce sourire aux coins des lèvres,
bernie attend la suite, ça ne peux pas s'finir aussi vite.
on aurait pu s'occuper ensemble.
de là, il sent la fièvre
(pas celle du samedi soir, mais celle de la conjonctivite)
qui monte, monte, monte, jusqu'à
c'est plus efficace à deux quand faut frotter.
l'effervescence de quelques mots.

face à loam, c'est le gosse qui refait surface.
il perd tout, sa face de gamin qui lui demande de faire volteface.
il se sent petit, minus, ridicule et sans défense
--devant une bête féroce???
non, pas vraiment. plus devant un prof,
avec lequel t'as pas fait tes devoirs
et t'as son regard pesant qui t'dit,
"c'est toi l'prochain" --

ça le fait sourire gentiment bernie.
un sourire cosmique qui montre qu'il aime et apprécie le monde,
trop gentil pour ce monde.
trop gentil pour le monde.
trop gentil -tout court.

pour l'faire sourire un peu plus, pour l'faire rire un peu plus, bernie lui tend une éponge l'air de dire "tu veux frotter? alors frotte." loam comme un gamin qui arriverait à trouver le ménage amusant et drôle, par un simple tour de main, simple tour de passe-passe qui consiste à attirer l'attention des enfants sur autre chose. de la mousse par exemple. c'est drôle la mousse. c'est agréable la mousse. alors on en met pleins dans le bain pour amuser la galerie. c'est pareil le ménage, c'est pareil avec loam.

hé, avoue j'devrais en faire un recueil de mes vannes de merde.
il s'empresse de griffonner sur son carnet
qui n'avait pas quitté sa main d'muet.
je serais le premier acheteur.
c'était pas faux, c'était pas un mensonge.
il l’achètera en même temps que ses éponges.
t'en veux une, au fait ? j't'ai pas proposé.
tentation quand tu nous tiens.
il refuse pourtant, d'un faible geste de la main,
tournant la page du carnet pour une encore blanche.
j'ai arrêté y a 5 ans.
merci qd mem
il écrit plus vite que son ombre,
il écrit aussi nullement que son ombre.

comme soudainement à l'aise, bernie pose son dos contre le mur derrière lui, venant croiser ses bras. de loin, on pourrait croire qu'il commence la grève de la faim- dans son uniforme gris, sa barbe riche, ses yeux tristes. du bernie tout joli. il lui tend à nouveau son carnet, après avoir gribouillé de grande lettre de sa plus fine écriture. je ne dirais rien, promis. c'est pas une balance bernie et, il a beau être muet, il sait bien que faire l'amour dans des locaux pareils, y a rien d'illégal. mais ""faire l'amour"" pour deux francs donnés, ça change le tableau d'une couleur affreuse. pas là pour juger, plus là pour décorer. bernie lui fait un grand sourire. ses yeux pétillent. il voudrait qu'il y lise "j't'aime bien, t'sais. t'es un chic type" mais y a que mila qui sait faire ça. lire dans le blanc de ses yeux. comprendre ses silences affreux.

tu l'aimes bien bernie. pas bavard (littéralement), mais d'bonne compagnie. t'aimes bien tirer des sourires au coin de ses lèvres ou une légère moue quand t'es un peu trop provocateur, mais t'y peux rien, tu sais faire que ça. provoquer, provoquer, provoquer. et te retrouver dans la merde. un soupir t'échappe, tes doigts glissent dans tes cheveux, et tu termines par te rhabiller. il te l'a déjà dit, ash, que c'est pas parce que toi t'en as rien à foutre d'être à poil, que tout l'monde a envie de voir ta queue. faut croire que ça rentre pas bien dans ton cerveau, ce genre de détails. soupir au bord des lippes. tu viens attraper une cigarette dans ton paquet, un frisson parcourant ta colonne vertébrale. il fait pas bien chaud.
et tu peux pas t'en empêcher. frotter, tout ça. tu connais. enfin, pas d'la même manière que celle du brun, sans doute. et y'a de nouveau ce sourire de petit con qui vient se dessiner sur tes lèvres, tandis que tu arques un sourcil quand bernie te tend une éponge. j'suis allergique à la javel. tu souffles avec un sourire de gosse sur la gueule.

je serais le premier acheteur. t'observes les mots formés sur le papier, retiens un petit soupir et hausses les épaules. t'es pas obligé. tu t'contentes de répondre. qui voudrait d'un truc écrit par toi ? tu sais pas aligner deux mots sans faire de fautes, quand t'as un stylo dans les mains. tu lui proposes finalement une clope, au brun, la tienne se consumant entre tes doigts depuis de trop longues secondes.
j'ai arrêté y a 5 ans. merci qd mem tu hoches la tête, retiens un léger soupir et glisses une main dans tes cheveux désordonnés, essayant de les éloigner de ton front, un peu comme tu peux. t'es pas très doué pour ça. ta cigarette coincée entre tes lèvres, un air sans doute trop concentré sur le visage, tu dois pas ressembler à grand chose, pour le moment. ça doit être un peu ridicule à regarder, d'ailleurs.
t'es ridicule, loam.
je ne dirais rien, promis. tu fronces un peu les sourcils, te concentrant sur les mots, et tu peux pas vraiment t'empêcher de rire. c'pas méchant. t'es pas un mauvais gars dans l'fond, juste pas très au point sur comment fonctionne la société. nah mais tout le monde est au courant que j'baise avec des clients. tu hausses les épaules. même ton boss, pour t'avoir fait la réflexion plusieurs fois. tu tires une dernière fois sur ta clope avant de t'éloigner un court instant pour l'écraser dans l'cendrier de ta p'tite loge. mais c'est gentil. t'ajoutes quand même. tu hausses un peu les épaules. ouai, c'est gentil.
un soupir manque de t'échapper. c'pas souvent ça, que les gens soient foncièrement gentils avec toi. tu t'en fiches un peu. j'suis pas l'mec idéal, hein ? tu demandes avec un rire, haussant un peu les épaules. tu termines par récupérer un sweat qui traîne sur le canapé. trop large, trop grand, mais qui couvre un minimum de ta peau nue - jusqu'au haut de tes cuisses en réalité. (c'est quoi cette manie d'acheter des fringues qui font deux fois ta taille ?). il caille dans ce couloir. t'as pas envie d'choper la mort.